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L’illectronisme responsable d’exclusion sociale

Depuis une quinzaine d’années, nous faisons face à une augmentation accrue de la présence du numérique dans notre quotidien. Cette digitalisation permet d’avoir accès à tous les services et elle tend à devenir incontournable. La crise sanitaire a accentué ce phénomène: l’accès au numérique, et les compétences que ce dernier requiert, sont plus que jamais indispensables au quotidien. Pour continuer à apprendre, travailler, avoir accès aux soins et à ses droits, à se divertir, à consommer, à faire les démarches administratives…

Mais alors que ces moyens de communications et d’échanges sont devenus omniprésents, on constate qu’ils contribuent paradoxalement à l’isolement social et physique des individus. C’est particulièrement vrai pour les personnes le plus souvent âgées qui ont raté le train en marche de l’informatisation des échanges et des démarches administratives ou autres (voyages, etc… ).  Ce phénomène n’est pas cantonné aux seuls seniors comme le montre la mission d’information lancée par le sénat qui constate que 17 % de la population n’a pas accès à internet (fracture numérique) ou n’a pas les connaissances suffisantes pour utiliser des outils numériques (illectronisme). Outre les seniors ce fléau touche aussi les personnes les moins diplômées, les plus fragiles et les foyers aux revenus les plus modestes.

Ce terme « illectronisme » ou « illettrisme numérique » désigne les difficultés, voire l’incapacité, que rencontre une personne à utiliser les nouvelles technologies en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement. Et ce fléau tend à prospérer car les outils numériques évoluent plus rapidement que les moyens mis en place pour former les personnes qui en ont besoin.

Quand le gouvernement et les administrations cherchent à dématérialiser le plus possible les services publics afin de faire des économies et de s’adapter aux nouveaux usages ils laissent de côté près de 11 millions de français ne sont pas encore très à l’aise avec l’utilisation des nouvelles technologies. Cette situation contribue à accroître un isolement auprès d’une certaine partie de la population.

De même, alors que la transformation digitale s’accélère au sein des entreprises, la fracture numérique s’accroît entre les salariés. On estime que le taux d’illectronisme touche plus de 2 salariés sur 10 . Cette situation est préoccupante lorsque l’on sait que 75% des emplois exigent de maîtriser les compétences numériques de base. Cela impacte le quotidien professionnel des salariés, mais également les performances économiques et sociales des entreprises. La fracture numérique a même été renforcée par la généralisation du télétravail.

Les causes de l’illectronisme sont multiples :

  • l’absence de formation : la quasi-totalité des français de plus de 40 ans n’ont pas eu la chance de pouvoir bénéficier d’une formation au numérique durant leur scolarité. Mais même des personnes de moins de 35 ans, nées sous l’ère digitale, sont concernées par l’illectronisme. Paradoxalement de nombreux jeunes, nés avec ces nouvelles technologies sont à l’aise sur les réseaux sociaux ou les consoles de jeux, mais ont des difficultés dès lors que l’utilisation n’est plus ludique.
  • Les personnes illettrées : elles sont particulièrement touchées puisque 90 % des contenus web sont des écrits.
  • La précarité économique : pour pouvoir utiliser des outils numériques quotidiennement, encore faut-il avoir les moyens de s’équiper. Le budget des personnes à faibles revenus ne leur permet pas d’acquérir un ordinateur ou de posséder un abonnement à Internet. La précarité économique est donc un facteur qui renforce l’exclusion numérique.
  • La fracture numérique : actuellement, la fibre optique n’est disponible que pour environ 25% de la population et 10 000 communes ne sont pas encore raccordées du tout. Ces zones sont aussi appelées les « Zones grises ». Les « Zones blanches » sans aucun raccordement à internet représentent plus de 500 communes en France.
  • Les personnes qui sont connectées uniquement via leur réseau mobile mais qui ne disposent pas d’une connexion Internet à domicile. Bien qu’elles utilisent Internet quotidiennement, leur principale difficulté ne réside pas dans les usages numériques mais plutôt dans leur accès à l’équipement.
  • Les «réfractaires » terme employé pour désigner ceux qui se sentent perdus car ils ne maîtrisent pas suffisamment la technologie et ne disposent pas de soutiens directs pour les aider. Ils justifient leur renoncement par une allergie totale à la manipulation de l’informatique et donc d’Internet, par la peur de se faire voler ses données personnelles ou par un parcours utilisateur peu ergonomique. Globalement, ils n’utilisent pas Internet car cela ne les intéresse pas et ils ne se sentent pas concernés. Ces personnes organisent leur vie sans Internet. Les retraités sont sur-représentés dans cette catégorie.
  • Les « décalés » comme on désigne les personnes qui utilisent régulièrement Internet mais qui ressentent un décalage avec leur entourage concernant l’emploi de certaines technologies (utilisation de nouvelles fonctionnalités, partage de documents, etc..). Cependant ces personnes ne baissent pas les bras et elles souhaitent se former pour combler leurs lacunes et progresser.

Les conséquences de l’illectronisme

La première conséquence de l’illectronisme est la difficulté rencontrée par les personnes âgées et isolées pour réaliser certaines démarches administratives. La dématérialisation, gagnant chaque jour du terrain, elle rend plus complexe ces démarches pour les seniors. En France, près d’un adulte sur cinq n’utilise pas d’outil numérique ou abandonne en cas de difficulté. Les personnes âgées de plus de 70 ans sont très nombreuses dans cette situation (36 %).

Ceci a des conséquences sur les volets communication et la sociabilisation de la vie des seniors. N’utilisant pas les moyens de communications modernes ces personnes s’habituent peu à peu à ne pas être informés et se détachent progressivement du monde, dans le silence, sans que cela soit ressenti comme un manque de leur part.

Autre conséquence : l’illectronisme génère un accroissement des escroqueries. Des individus malfaisants profitent de la méconnaissance des personnes ayant des difficultés face à l’ordinateur pour multiplier les pièges et les arnaques : faux supports, avis d’amende à payer, faux banquiers, usurpations d’identité de sociétés mais aussi de consommateurs…

Comme on vient de le voir, les conséquences de l’illectronisme sont extrêmement handicapantes : perte d’autonomie et de confiance en soi, sentiment d’échec, isolement, ainsi qu’une exposition à des risques en termes de cybersécurité.

Alors comment rendre accessible à tous le monde numérique ?

Tout d’abord il convient de détecter les personnes qui souffrent de l’illectronisme. Ce n’est pas évident car, comme une personne illettrée, quelqu’un atteint de ce fléau ressent un sentiment de honte, et cherche à tout prix à dissimuler ses difficultés.

Face à l’illectronisme et à la fracture numérique, des solutions peuvent être mises en place pour rendre le monde numérique accessible à tous.

L’État, conscient du problème, a mis en place un plan de relance doté 250 millions d’euros en faveur de l’inclusion numérique . Une partie de ce budget est alloué aux acteurs qui fournissent des solutions d’accompagnement au numérique. De plus il a ouvert des maisons France-Service (plus de 500 au total à ce jour) pour former et accompagner les usagers en difficulté face à l’utilisation du numérique. Il s’appuie également sur des associations très actives et présentes sur le terrain, associations qui vont aux devants des “naufragés du numériques” afin qu’ils puissent faire face à la politique de numérisation des services publiques. Notons aussi que certains se battent pour préserver le droit de réaliser l’ensemble des démarches administratives en version « papier ».

Pour les réfractaires, ceux qui ont baissé les bras face au numérique, les solutions passent souvent par des aidants ou des personnes proches (enfants, amis, voisins…).

L’importance des compétences numériques dans les entreprises

La maîtrise des outils numériques constitue aujourd’hui une compétence indispensable sur le marché de l’emploi. On constate que 75% des emplois exigent de maîtriser les compétences numériques de base. Et dans le monde du travail savoir utiliser les outils digitaux n’est pas inné pour tous les salariés. S’équiper en matériel informatique n’a de sens que si les employés sont aptes à s’en servir. Car même avec les outils les plus performants du marché, les résultats ne suivent que si la compétence nécessaire à leur utilisation est présente.

De plus le niveau d’avancement technologique engendré par la course à l’innovation rend de plus en plus difficile l’utilisation des nouveaux outils numériques sans un minimum de connaissance. Si parallèlement la formation ne suit pas la même trajectoire, l’accès au numérique sera réservé à une élite et creusera toujours plus les inégalités. Un chef d’entreprise doit obligatoirement chercher à augmenter les compétences de ses salariés en mettant en place des formations numériques, afin de ne pas laisser sur le côté de nombreux collaborateurs. La formation professionnelle doit permettre de s’approprier ces outils, d’acquérir les connaissances nécessaires ainsi que le savoir-faire spécifique pour exercer un métier ou une activité professionnelle. Cette formation doit aussi mettre en place un accompagnement humain qui reste indispensable pour faciliter l’acquisition des connaissances et des usages. Cet aspect est essentiel afin d’adapter la formation au niveau de chacun. Cet accompagnement permet d’échanger sur les difficultés de chaque individu et d’observer ses progrès.

En résumé, la clé c’est la formation !

Conclusion

Le numérique a considérablement et durablement transformé notre société. Véritable handicap dans notre monde moderne, l’illectronisme touche tous les secteurs mais aussi toutes les catégories sociales et classes d’âge. Cela représente un véritable problème dans une société qui dématérialise de plus en plus ses services publics et privés. Aussi pour ne pas laisser des personnes sur le bord du chemin, la société se doit de tout faire pour aboutir à l’inclusion numérique de tous ses membres.