Ce que vous devez savoir…
Mai 2025, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi historique visant à interdire le démarchage téléphonique sans consentement préalable. La nouvelle réglementation entrera en vigueur le 11 août 2026. Cette avancée législative marque un tournant dans la protection des consommateurs contre les appels commerciaux non sollicités.
Le démarchage téléphonique est une pratique commerciale qui consiste à contacter des consommateurs par téléphone pour leur proposer des produits ou services. Bien que cette méthode puisse être efficace pour les entreprises, elle est perçue comme intrusive et perturbatrice par les consommateurs, les Français la considère comme une source majeure de nuisances. Cette situation a conduit le législateur à agir pour inverser la charge de la preuve : désormais, seules les entreprises ayant obtenu un consentement explicite pourront démarcher.
Que prévoit le texte de loi ?
Le cœur de la réforme repose sur le principe du « consentement préalable explicite ». Concrètement, une entreprise ne pourra vous contacter à des fins commerciales que si vous avez donné votre accord clair et éclairé. Ce consentement devra être libre (sans pression ni condition préalable), spécifique (pour un objectif précis), sans ambiguïté et révocable à tout moment.
En outre, le texte prévoit :
- des plages horaires restreintes : Les appels de démarchage seront limités à des plages horaires spécifiques, du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures.
- une limitation de la fréquence des appels : les consommateurs ne pourront pas être sollicités plus de quatre fois par mois par le même professionnel .
- un délai de carence : en cas de refus de la part du consommateur, celui-ci ne pourra pas être recontacté avant l’expiration d’une période de soixante jours.
Deux exceptions sont prévues. Elles portent sur :
- Les contrats en cours : une entreprise peut vous contacter si vous êtes déjà client et que l’appel concerne un produit ou service lié à votre contrat.
- Les denrées alimentaires ou produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie : ces secteurs bénéficient d’une dérogation, notamment pour les livraisons à domicile en zones rurales.
Que risquent les contrevenants ?
La nouvelle loi sur l’interdiction du démarchage téléphonique sans consentement explicite s’accompagne de sanctions sévères pour les contrevenants. l’objectif est de dissuader les abus et faire respecter les droits des consommateurs. Les amendes administratives peuvent aller jusqu’à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Pour les structures les plus importantes, il est prévu des sanctions proportionnelles au chiffre d’affaires (jusqu’à 20 % du CA). Si un appel téléphonique illégal est associé à une tentative d’escroquerie ou à un abus de faiblesse (visant notamment les personnes âgées ou vulnérables), les peines peuvent être alourdies, avec des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans et des amendes pouvant atteindre 500 000 euros.
Les sanctions ne seront pas uniquement financières. En cas de non-respect grave ou répété, certaines entreprises peuvent perdre leur licence ou leur agrément. Ainsi, les courtiers ou prestataires liés aux secteurs réglementés (énergie, finance, assurance) pourraient perdre leur autorisation d’exercer, et/ou être déréférencées des plateformes professionnelles ou exclues des marchés publics.
Surveillance et contrôles :
Pour s’assurer que les entreprises respectent les nouvelles règles, plusieurs mécanismes de vérification sont envisagés :
- Liste Bloctel : Les consommateurs pourront s’inscrire sur la liste Bloctel, un service gratuit permettant de s’opposer au démarchage téléphonique. Les entreprises devront consulter cette liste avant de passer des appels.
- Des contrôles aléatoires : Des contrôles aléatoires seront effectués par les autorités compétentes pour vérifier que les entreprises respectent les nouvelles règles.
La mise en œuvre du texte sera suivie par plusieurs autorités :
- La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), pour les aspects liés au consentement et à la protection des données.
- La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), pour les pratiques commerciales abusives.
- L’ARCEP, pour le volet télécoms (utilisation de numéros masqués, appels en masse, etc.).
Ces organismes pourront croiser leurs données et effectuer des contrôles renforcés, y compris sur les plateformes de numéros.
De plus, les consommateurs sont invités à signaler les abus via des plateformes dédiées.
Cependant, malgré les avancées, des risques de contournement subsistent :
- Les appels internationaux : les entreprises basées à l’étranger pourraient ne pas respecter la loi.
- Les exceptions sectorielles: les dérogations, notamment pour les denrées alimentaires, pourraient être étendues à d’autres secteurs.
- Le consentement implicite : certaines entreprises pourraient tenter d’obtenir un consentement flou via des cases pré-cochées ou des conditions générales peu transparentes.
- Les entreprises pourraient pourraient également créer de nouvelles entités juridiques pour échapper aux sanctions et continuer leurs pratiques de démarchage. Il leur reste aussi la possibilité d’utiliser des canaux alternatifs, tels que les emails, les SMS ou les réseaux sociaux, pour contourner les restrictions téléphoniques.
Il sera donc essentiel de rester vigilant et de signaler toute tentative de contournement.
Pourquoi une mise en application aussi tardive ?
La loi a été adoptée, mais son entrée en vigueur est prévue pour août 2026. Cette période de transition permet aux entreprises de s’adapter aux nouvelles règles et de revoir leurs méthodes de prospection. Ce délai vise également à assurer une transition en douceur et à éviter des perturbations économiques majeures. Cependant, cette attente prolongée soulève des questions sur l’efficacité immédiate de la loi et la protection des consommateurs dans l’intervalle.
En résumé, la fin du démarchage téléphonique non consenti est une avancée majeure pour la protection des consommateurs. Cette loi marque un durcissement net du cadre légal, avec des conséquences très dissuasives pour les démarcheurs non conformes. Cependant, la mise en œuvre tardive de la loi et les possibles contournements soulèvent des questions sur son efficacité immédiate. Il est essentiel que les autorités mettent en place des mécanismes de vérification robustes et que les consommateurs restent vigilants pour signaler les pratiques abusives.