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Les circuits courts

En plein essor depuis quelques années, les circuits courts bénéficient d’une image favorable. Ils s’inscrivent dans une logique de consommation durable et responsable. D’un côté, les clients retissent un lien distendu avec la terre ; de l’autre, les agriculteurs reprennent la main sur la valorisation de leur production. Apparemment un modèle gagnant-gagnant. Qu’en est-il en réalité ?

QU’EST-CE QU’UN CIRCUIT COURT ?

Selon le ministère de l’Agriculture, il s’agit de la vente directe du producteur au consommateur ou de la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire. Une définition peu restrictive, puisqu’elle ne fixe aucune distance maximale entre le lieu de production et celui de consommation. Un aliment peut donc parcourir des centaines de kilomètres. Il était difficile d’imposer un périmètre géographique, dans la mesure où tous les territoires n’ont ni la même histoire, ni la même agriculture, ni les mêmes ressources. Dans les faits, la dimension locale est largement privilégiée, compte tenu des coûts de stockage et de transport. Ce qui n’exempte pas le client de rester vigilant. Si, dans le cas de la vente directe, on peut aisément contrôler l’origine d’un produit, c’est moins évident pour les achats en ligne.

EST-CE UN GAGE DE QUALITÉ ?

La réglementation ne fixe aucune contrainte sur les modes de production. Rien n’interdit la culture de tomates en serre chauffée ni le recours aux intrants chimiques, ni l’usage d’additifs et autres conservateurs dans les aliments transformés. Ce circuit de commercialisation n’est donc pas synonyme de label de qualité. Un constat à nuancer : Pour attirer les consommateurs, producteurs et transformateurs sont obligés de proposer autre chose que les grandes surfaces, c’est-à-dire des denrées peu ou pas traitées, artisanales, respectant les saisonnalités et récoltées à maturité. Il y a cinq fois plus d’exploitants certifiés bio dans les circuits courts, et les trois quarts des agriculteurs ont “écologisé” leurs pratiques.

LA RENCONTRE AVEC LA CLIENTÈLE A-T-ELLE LIEU ?

Si leur part de marché est difficile à évaluer, les circuits courts prennent de l’ampleur, d’autant que le phénomène a fait tache d’huile dans la grande distribution, voire le petit commerce. La clientèle s’est considérablement élargie, incluant, à côté des urbains aisés, des ménages désireux de s’alimenter avec des produits frais de saison, tout en soutenant les agriculteurs de leur région. Il y a une dizaine d’années, les circuits courts représentaient 10 % du panier alimentaire moyen. Aujourd’hui, ce chiffre atteint entre 15 et 20 %, soit environ 20 milliards d’euros annuels. Les producteurs ont, quant à eux, mesuré l’intérêt de diversifier leurs canaux de distribution : la vente à la ferme leur fournit un complément de revenus non négligeable et maintient un lien avec le reste de la population. En 2010, elle concernait un agriculteur sur cinq ; 10 ans plus tard, c’est un sur quatre.

CES CANAUX DE VENTE SONT-ILS PLUS CHERS ?

À qualité égale, les aliments bruts vendus à la ferme et sur les marchés de plein vent coûtent, en moyenne, moins cher que dans les grandes surfaces. À l’inverse, pour les produits transformés, la situation semble un peu moins favorable aux circuits courts. Encore faut-il comparer ce qui est comparable, les processus de fabrication artisanale n’étant pas les mêmes que dans l’industrie et les économies d’échelle, impossibles. Autre constat, les denrées agricoles étant tributaires des aléas climatiques, les variations de prix en circuit court peuvent être bien plus sensibles que dans la grande distribution, qui a toute liberté de se fournir ailleurs en fonction des cours du marché. Toutefois, les consommateurs doivent rester vigilants face à des tarifs anormalement élevés, notamment sur les sites de vente en ligne, qui appliquent parfois des marges excessives. Les plateformes directement animées par les agriculteurs ou portées par les acteurs de l’économie solidaire sont ainsi recommandées car elles réduisent leur commission, voire n’en prennent aucune.

EST-CE CONCILIABLE AVEC LA GRANDE DISTRIBUTION ?

Mettre en avant des « produits frais, agricoles et locaux », voilà l’engagement pris par la grande distribution, via une charte signée sous la houlette du ministère de l’Agriculture. Cependant, ces bonnes intentions se heurtent à la logique même des supermarchés, dont les approvisionnements sont centralisés à l’échelle nationale afin d’obtenir les prix les plus bas. L’achat en direct de certains aliments auprès d’agriculteurs locaux reste donc à l’initiative de chaque magasin et dépend avant tout de la stratégie du manageur… Face à la masse des références issues de l’industrie agroalimentaire, le local ne représente en général qu’un infime pourcentage de l’assortiment et risque de n’être qu’un faux nez marketing.

L’ENVIRONNEMENT EST-IL MIEUX RESPECTÉ ?

Les spécialistes peinent à s’accorder, d’autant qu’une étude publiée l’an dernier par des scientifiques européens a semé le doute. Elle conclut que les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par le transport des produits en circuit court seraient 80 % plus élevées qu’en grande distribution. En cause, l’acheminement de petites quantités sur de longues distances. Pourtant, il ne faut pas conclure trop vite que les circuits courts sont néfastes pour la planète. La grande diversité des canaux de distribution et de pratiques plus ou moins optimisées empêche de généraliser. Le transport ne constitue pas le seul critère, il faut étudier l’ensemble du cycle de vie : production, transformation, conditionnement, mais également empreinte carbone du lieu de vente (supermarchés ou centres commerciaux avec leurs parkings). Certes, les circuits courts ont une grande marge de progression. Néanmoins, aujourd’hui, notamment grâce aux nouvelles technologies numériques, beaucoup de choses s’inventent comme le regroupement des achats ou la mutualisation des tournées. Toutes ces initiatives vont dans le bon sens, à condition, bien sûr, que les circuits courts gardent leur dimension humaine.